Des hommes et un bébé

C’est sur, un homme et une maternité, c’est pas comme les petits pois carottes, ça va rarement ensemble ! En tout cas pour ceux que j’ai rencontré au cours de mes 18 mois de baleinage !!
Ils sont présents, tout au long de la grossesse, à la naissance et jalonne notre parcours de cétacé de petites phrases toutes plus piquantes les unes que les autres.

Y’a les papas bien sur, mais aussi les papys, les médecins, les oncles, les gynéco, etc .. et tous ont le chic et la classe pour sortir au moment le plus opportun la remarque que nous, femmes et futures mères n’attendions pas … celle qui a coup sur sera hors propos, hors contexte, nous laissera perplexe ou nous plongera dans un abyme de désespoir.

Mon zom tout d’abord... Zom aime les enfants, moi aussi… ça tombe bien. Mais zom n’aime pas l’unique moment de la grossesse. Il est pourtant, en général,  difficile de ne pas en passer par là…
Zom ne fait pas parti de ces êtres, aussi rares et précieux qu’une perle dans l’huître, qui reste pantois devant des formes prenant ..euh .. des formes. Il ne caresse pas mon ventre rond, les yeux éperdus de bonheur. Il ne regarde pas tremblant d’émotion le petit bout de bâtonnet arborant fièrement sa jolie couleur bleue.

Rayonnant ? non, zom ne l’est vraiment pas. Il n’a rien du manchot empereur qui veille la croissance de son petit jusqu’à épuisement. Il préfère me laisse couver tranquillement, un peu comme si la grossesse était une affaire exclusivement féminine. Attentif tout en étant indifférent, il est présent sans y être vraiment.

A l’annonce du premier bâtonnet bleu (devenu Fiton depuis) Zom, pourtant sincèrement heureux, m’a lancé un « ah ça y est ? les emmerdes commencent ? » Oui zom est un être qui sait exprimer parfaitement les émotions qu’il ressent.
L’annonce du 2ème bâtonnet (devenu, lui, nonosse) est tout aussi poétique… Vacances, fin juillet, ciel bleu, zom, Fiton, moi et mes parents. Je sors des toilettes, le sourire aux lèvres, la preuve bleue à la main et l’annonce à zom .. pas le temps de s’émouvoir, mes parents arrivent pour manger. Vite, tout cacher, reprendre une mine normale et accueillir les invités.

Il me semble logique, normal et coulant de source que ce petit secret nous appartient. Tout en discutant avec ma mère, j’imagine déjà rêveusement l’annonce faite à la famille .. Mon papa, éclipsé pour aller chercher un couteau, me tire soudain de ma rêverie le sourire attendri qui se dessine sur son visage. Je regarde zom, je regarde mon père, je regarde zom, je regarde mon père (etc ..)
« Ben quoi ?? » me lancent les deux « fallait pas l’dire ??? » Euh non fallait pas le dire .. parce que cet évènement, un peu plus important que le choix du menu du jour, nécessite que l’heureuse future maman soit en phase avec elle même et son haricot. Je tente d’expliquer subtilement ça à mes deux zoms mais visiblement ils ne comprennent rien à mes états d’âme. Reste ma maman qui regarde cette petite scène théatresque d’un air interrogateur. « Tu lui as rien dit ?! » Non je le répète, je n’ai pas eu le temps en l’espace de deux minutes d’appréhender la nouvelle et de préparer un communiqué bouleversant. « Ben on lui dit rien alors !! » Sympa, le père !!!

Voilà pour l’annonce .. je vous passe les autres petits moments délicieux où la réalité vous est dite sans ménagement et sans aucune conscience des effets qu’elle peut avoir sur votre psychisme :

« Ah oui t’as pris tout ça comme kilos ?? » « Mais si je t’aime, mais je préfère quand tu es mince »  « j’arrive plus à faire le tour de toi avec mes bras » etc, etc .. je suis sure que vous, lectrices et de surcroît mamans ou futures mamans, vous en avez également des tonnes à exprimer.

Le moment de la délivrance est proche .. mon père, ce héros, me le prédit quotidiennement avec des airs de conspirateur dans le secret des Dieux.« je sens bien que c’est pour bientôt, tu verras ! » Oui, Papa, je suis à deux jours du terme alors à moins que je fasse une grossesse d’éléphant, c’est forcément pour bientôt !!!

Ca y est, le moment est (enfin) arrivé ! Contractions rapprochées, monitoring accroché, centimètres comptés .. on approche, on approche. Ca fait mal, très mal. Zom, tout guilleret, s’amuse à regarder le monitoring et m’informe régulièrement de l’intensité de Mes contractions. « ouch, elle doit faire mal celle ci .. ohhhh attention, elle monte, elle monte !! Wouah elle est allée haut celle là !!! » On pourrait croire à une fète foraine mais non, nous sommes dans une salle d’accouchement…
Même lieu, autre homme ..l’anesthésiste .. celui là c’est mon meilleur ami dans ces moments. Même si, sincérement, niveau prévenance et compassion, j’ai connu mieux
- mais arrètez de bouger !! Comment voulez vous que je vous pique !!
  (Oui, mais moi j’ai des contractions Mossieur et il est très difficile d’arrêter de bouger quand on a l’impression qu’on vous arrache le ventre d’un coté et qu’on entend le bruit de l’aiguille s’enfoncer dans la colonne de l’autre .. vous avez déjà essayer ? je vous le conseille, c’est une expérience fabuleuse ! )
-  Et ça fonctionne au bout de combien de temps cette péridurale ?
- Non mais ma ptite dame (notez le ton condescendant qui mérite des claques) faut apprendre à être patiente dans la vie !
(Ben tu vois mon gars (notez le ton agacé voir légèrement vulgaire) je crois que j’apprendrai la patience et tout un tas d’autres trucs un autre jour parce que là ce que j’ai envie c’est d’accoucher…Conn*rd !!!)
Une demi heure passe .. rien .. une heure .. rien .. et les minutes peuvent être très longues parfois !! .. toujours pas l’effet tant attendu .. je le rappelle ..
- ben je ne comprends pas, ça devrait fonctionner…
- oui mais là visiblement c’est pas le cas !! (conn*rd)
- bon, bougonne t-il,  je vais vous en remettre une dose .. mais vous savez les péridurales de maintenant, elles sont moins dosées qu’avant .. comme ça, ça vous permet de sentir ..mais bien évidemment un accouchement ça fait quand même un peu mal même avec la péri
- (qu’est ce t’en sais !!!) oui effectivement pour sentir, je sens ! et j’ai pas « un peu » mal, je souffre atrocement et je suis en train d’accoucher !
Il repart en me jetant un regard agacé (jamais contente ces bonnes femmes)
Zom en remets une couche .. Toujours à contempler l’écran de mes douleurs, il commente : « tu sais vu la hauteur des courbes, je crois qu’il a effectivement raison, tu as moins mal .. »
arhhhhhg, je vais tous les étrangler !!!
Mais je suis effectivement en train d’accoucher .. la douleur est telle que je crois que je perds un peu pied .. les voix se noient dans une sorte de brouillard ..Etrier, tout le monde s’agite autour de moi
« ça y est Mme, c’est le moment de pousser» Je me reprends et je pousse, je pousse .. que la douleur cesse !! Et effectivement, peu à peu la douleur cesse .. tout doucement …jusqu’à ne plus rien sentir .. mais je n’ai toujours pas accouché !! « allez encore un petit effort Mme il faut pousser ! » ben oui mais je ne peux plus moi !! Je ne sens plus rien !!! L’anesthésiste avait raison .. jamais contente ces bonnes femmes. La menace des forceps me fait réagir et je pousse comme je peux .. et mon adorable bébé arrive, ma petite boule de bonheur, ma petite bulle de douceur.. un petit homme bien sur !!!

L’émotion fait bientôt place au récit .. je raconte inlassablement aux visiteurs de circonstance Mon accouchement. J’explique passionnément (privilège de l’accouchée) les souffrances que j’ai endurées.. Zom, lui, raconte le sien .. et démontre à une amie que cette fameuse péridurale a fonctionné mais que je ne m’en suis pas rendue compte… ben oui, il a bien vu lui sur l’écran de contrôle que je ne devais pas avoir si mal que ça ! Et un écran de contrôle c’est fiable, pas comme une émotion de femme en plein travail !!

Ah ces zoms !! Maintenant et depuis un an aujourd’hui même, j’en ai trois à la maison. Un concentré de testostérone pas toujours facile à gérer mais chacun d’entre eux me comble de bonheur et d’amour… alors, pourquoi pas un quatrième finalement ???!!

Bulle